Au Forum Social Mondial 2007
L’Espace Frantz Fanon, le réseau, l’Appel de Nairobi
Après cinq jours de débats intenses, riches et sur la base du travail préparatoire lancé à l’initiative du Forum Social Africain et animé par Espaces Marx et plus de 30 organisations il a été décidé de créer un réseau-espace Frantz Fanon à Nairobi. Un appel débattu en séminaire et soumis aux nombreuses personnes et organisations qui ont décidé de créer et de soutenir ce réseau a été lancé.
Ce fut l’un des aspects remarquables du cheminement réalisé. La création d’un réseau comportant plus de 400 affiliés, répartis dans plus de 60 pays dont 26 d’Afrique. Au fur et à mesure des séminaires et activités liées à l’Espace Frantz Fanon de Nairobi (11 exactement), nous avons précisé l’objet de cet Espace et son apport au mouvement altermondialiste.
Si de nombreuses activités du forum ont porté sur la nécessité de résistances multiples notamment sociales, économiques et institutionnelles, l’Espace Frantz Fanon, à l’image de la pensée de cet auteur, a tenu à s’engager comme un nouvel interpellant des sociétés et de chacun d’entre nous sur les conséquences des dominations coloniales et néolibérales.
L’espace Frantz Fanon souhaite produire par ses interventions internationales multiples en réseau, une dynamique nouvelle, pour un processus de désaliénation mentale, en analysant celles-ci du coté du colon et du colonisé, à Nairobi nous avons commencé à travailler sur 5 thématiques :
1-les dominations coloniales à travers les continents
2-Frantz Fanon, une lecture nécessaire des ségrégations urbaines
3-Frantz Fanon, psychiatre et penseur de la libération humaine
4-un antiracisme contre la théorie « du choc des civilisations »
5-éducation et désaliénation.
Une pierre apportée à l’édification d’une alternative au capitalisme et à toutes formes de dominations en travaillant sur la recherche d’une subjectivité nouvelle intégrant les problèmes dits du Sud et du Nord tel que les Dalits en Inde, les tribus de nomades au Kenya, les indiens en Bolivie mais aussi les ségrégations urbaines notamment en Europe.
Nous avons tous constaté la nécessité de travailler tous ensemble sur ce point et avons lancé...
... L’APPEL DE NAIROBI :
(ci-dessous l’appel amendé juin 2007)
Depuis la Controverse de Valladolid, les bâtisseurs d’Empire, esclavagistes, coloniaux, capitalistes, ont eu, à toutes les époques et sous diverses formes, la prétention de justifier "naturellement et socialement" leurs exactions en utilisant de prétendus savoirs sur l’"âme", le psychisme et la culture des dominés.
Des "théories" dites de l’infériorité biologique du cerveau des colonisés, aux supputations sur le désir de colonisation des peuples victimes des conquêtes coloniales, ce chemin trouble nous conduit jusqu’aux "théories de la dégénérescence" qui affecteraient les prolétaires, les opprimés, jusqu’aux racismes "culturels" et aux théories "justifiantes" du "choc des civilisations".
Pour mémoire, rappelons les thèses scandaleuses de "L’École psychiatrique d’Alger" qui, dans les années 1930 - 1950, a popularisé l’idée du "primitivisme maghrébin" et, à la même époque, les écrits de John Colin Carothers, alors Directeur du Nairobi’s Mathari Mental Hospital, qui, dans un rapport pour l’OMS, décrivit l’homme africain comme un Européen amputé de son lobe frontal.
Les peuples ont payé et paient toujours un lourd tribut à ces fantasmagories "scientifiques" mortifères en particulier l’Afrique et les peuples premiers d’Amérique, de la traite négrière à la colonisation.
Aujourd’hui l’extension du marché à tout les domaines du vivant et de la culture ravive les divisions, les désymbolisations, les hiérarchisations ségrégatives, racistes, violentes entre humains.
Aujourd’hui divers avatars de ces théories justificatrices de toutes formes de ségrégations de discriminations, et même de racisme sont de nouveau jugés dignes de discussion et servent de support à des politiques publiques.
Les soussignés, réunis à Nairobi pour le Forum social mondial 2007, lancent un appel à la vigilance contre la banalisation de l’histoire de ces théories funestes et des pratiques qu’elles ont inspirées autrefois. Ils s’engagent aussi à lutter contre les formes actuelles d’enrôlement de sciences telles que la génétique ou la psychologie des comportements, pour couvrir d’un vernis savant les formes actuelles de la ségrégation entre les humains et la construction idéologique de soi-disant hiérarchies naturelles entre les cultures, qui servent l’impérialisme capitaliste d’aujourd’hui.
Ils inscrivent cette lutte dans la résistance à tout ce qui contribue aux apartheids et aux colonisations d’aujourd’hui : urbanisation ségrégative, stigmatisation par les médias, inégalités des salaires, arrogance des pilleurs vis-à-vis de la faiblesse économique des pillés dans les relations internationales.
Ils inscrivent la promotion des dignités au premier rang de leurs actions, projets et espoir.
Contre ce monde où dominent les ségrégations, les discriminations et assignations à résidence, les aliénations, contre les murs qui se construisent à travers la planète, là où des ponts devraient l’être, les soussignés proclament que la construction d’un autre monde nécessite de créer les conditions pour qu’émerge, par différentes voies, de nouvelles subjectivités universalistes. Cette exigence convoque l’ensemble du mouvement altermondialiste en recherche d’alternatives.
Pour les signataires, l’émancipation humaine est affaire de justice, d’égalité, c’est-à-dire de dignité.
La dignité des uns ne peut se concevoir hors la dignité de tous.
POUR EN SAVOIR PLUS...